Questions éthiques et témoignages de vie
Eliminer un tyran est-il légitime?
"Tuer n'est pas assassiner. Bref traité sur la légitimité de tuer un tyran conformément à l'opinion des plus illustres auteurs antiques" Edward SEXBY.
En 1657, l'auteur proclame que le pouvoir tyrannique de Cromwell "doit être brisé par sa mise à mort", acte dont il établirait la légitimité. Traduction publiée en 2024. La question est-elle toujours d'actualité ?
L'Eglise dans tous ses états. Cinquante ans de débats autour de la foi par Mgr André LEONARD.
Après de nombreux autres livres (philosophiques, religieux,..), l'ancien évêque de Namur et Archevêque de Malines-Bruxelles a publié en 2023 une « autobiographie » qui me l'a fait découvrir (1) sous un autre angle. Retraité et vivant aujourd'hui dans le Sud de la France où il peut à la fois aider des paroisses et continuer d'approfondir ses chères études, il reste attentif à l'évolution de l'Eglise catholique.
Certes, comme souvent dans ce genre d'exercice, l'auto justification (a posteriori) est présente mais l'intéressé ne change pas facilement d'avis et n'hésites pas à réaffirmer ce qui lui fut vivement reproché par l'opinion dite publique en usant d'une langue parfois peu nuancée.
Ne participant pas à certains cercles cléricaux, je n'avais pas souvenance de son passé de grand connaisseur de la philosophie et de la théologie, matières qu'il enseigna à l'UCL et dans d'autres institutions. Pour la théologie, il fut moins sous les projecteurs que certains confrères, professant généralement une opinion strictement conforme à la tradition et aux conceptions vaticanes.
Il fut, selon ses souvenirs, un partisan de l'essentiel du message du Concile de Vatican II dont il a vraisemblablement une lecture plus conforme aux textes adoptés. Par exemple, il n'y trouve nullement l'abandon obligatoire du latin ou du grégorien ni l'obligation du prêtre célébrant face aux fidèles. De nouvelles pratiques comme la Communion dans la main en sont également absentes (voir annexe Concile Vatican II, Constitution sur la Sainte Liturgie du 04/12/1963).. Ensuite, il déchanta devant les interprétations libres qui furent les conséquences du méta-concile (opposant ainsi comme Benoit XVI en 2013 le Concile des pères à celui des médias) cherchant, selon lui, à courir résolument après l'air du temps (souvent en vain) quitte à perdre son âme (2).
Durant son épiscopat, il se consacra à visiter toutes les paroisses de son grand diocèse de Namur-Luxembourg (le ¼ de la Belgitude en superficie) et à la formation des séminaristes en évitant les travers post conciliaires évoqués ci-dessus.
S'il dût sa nomination d'archevêque à l'autorité personnelle de Benoit XVI avec lequel il était en symbiose comme avec Jean Paul II, il n'a guère eu l'occasion d'y imposer sa marque autant que dans son précédent ministère. Il passe rapidement sur les aléas (mais ne les oublie pas) de sa carrière lorsque le Vatican n'apprécie plus autant ses convictions ou son franc parler.
Beaucoup de ses constatations sur l'évolution de la société et de l'Eglise en Occident peuvent sembler pertinentes (3) mais elles sont souvent formulées dans un discours teinté d'un conservatisme profond, ce qui est parfaitement son droit. Il en espère un renouveau de l'Eglise catholique romaine qui par un réel retour au message évangélique (et à ses dogmes et formes d'expressions liturgiques) retrouverait ses fidèles. Est-ce de l'utopie ou la marque d'une foi capable de soulever les montages ?
(1 ) J'avais déjà eu l'occasion précédemment d'avoir une appréciation quelque peu différente de celle du monde médiatique C'était à la fin de la première décennie du présent millénaire où il m'arrivait d'aller déjeuner à la cafeteria du Bureau de l'enseignement catholique de la rue Guimard à Bruxelles. Un midi, je me retrouvais à la table voisine de l'Evêque de Namur entouré d'une dizaine de collaboratrices et collaborateurs. Je fus impressionné par sa simplicité et sa bonne humeur, à cent lieues de l'opinion que je m'en faisais par médias interposés.
(2) Selon Le Figaro (26/07/2023), parmi les jeunes catholiques français « engagés (participants au Pèlerinage de Chartres ou au JMJ de Lisbonne 2023), une majorité défendent une conception traditionaliste de la religion. : « J'ai plus de mal avec la messe normale, la messe traditionnelle est belle, elle est plus verticale »
(3) Par exemple, ses réflexions à propos de nombreuses écoles dites catholiques : « Malheureusement, j'ai souvent eu des déboires quand je demandais à la direction d'une école catholique en quoi consistait son identité spécifique. J'entendais alors, tout comme dans les universités, cliniques ou syndicats chrétiens des réponses citant des « valeurs évangéliques ». Mais quand, je demandais de les nommer, c'est quasi identiquement les valeurs des Lumières ou de la franc-maçonnerie. Alors qu'une école catholique doit être, en étroite relation avec les mouvements de jeunesse chrétien, une école où le Christ est présent, où l'enseignement de la religion est pertinent, où un lieu de prière est offert pour y rejoindre le Christ présent dans l'Eucharistie. On est parfois loin du compte. Pour agrandir les classes, on a parfois rasé la chapelle. Tout cela au profit d'une identité chrétienne vague, floue, affadie.. » in « L'Eglise dans tous ses états » pp.152-153
A titre personnel, sans que la situation y fut comparable à celle décrite par Mgr LEONARD, déjà durant les années 1960 en Humanités dans une école tenue par des Frères des Ecoles Chrétiennes, il me semblait que les professeurs de religion n'étaient pas choisis dans la crème des pédagogues les plus convaincants.
Annexe : Concile Vatican II, Constitution sur la Sainte Liturgie (extraits)
30. Participation active des fidèles
Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré.
36. La langue liturgique
1. L'usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins
2. Toutefois, soit dans la messe, soit dans l'administration des sacrements, soit dans les autres parties de la liturgie, l'emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cette matière dans les chapitres suivants, pour chaque cas.
3. Ces normes étant observées, il revient à l'autorité ecclésiastique qui a compétence sur le territoire, mentionnée à l'article 22 (même, le cas échéant, après avoir délibéré avec les évêques des régions limitrophes de même langue), de statuer si on emploie la langue du pays et de quelle façon, en faisant agréer, c'est-à-dire ratifier, ses actes par le Siège apostolique.
4. La traduction du texte latin dans la langue du pays, à employer dans la liturgie, doit être approuvée par l'autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, dont il est question ci-dessus.
40. Mais, comme en différents lieux et en différentes circonstances, il est urgent d'adapter plus profondément la liturgie, ce qui augmente la difficulté :
1. L'autorité ecclésiastique ayant compétence sur le territoire, mentionnée à l'article 22 §2, considérera avec attention et prudence ce qui, en ce domaine, à partir des traditions et du génie de chaque peuple, peut opportunément être admis dans le culte divin. Les adaptations jugées utiles ou nécessaires seront proposées au Siège apostolique pour être introduites avec son consentement.
2. Mais pour que l'adaptation se fasse avec la circonspection nécessaire, faculté sera donnée par le Siège apostolique à cette autorité ecclésiastique territoriale de permettre et de diriger, le cas échéant, les expériences préalables nécessaires dans certaines assemblées appropriées à ces essais et pendant un temps limité.
3. Parce que les lois liturgiques présentent ordinairement des difficultés spéciales en matière d'adaptation, surtout dans les missions, on devra, pour les établir, avoir à sa disposition des hommes experts en ce domaine.
54. Latin et langue du pays à la messe
On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec le concours du peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple, conformément à l'article 36 de la présente Constitution.
On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble, en langue latine, aussi les parties de l'ordinaire de la messe qui leur reviennent.
Mais si quelque part un emploi plus large de la langue du pays dans la messe semble opportun, on observera ce qui est prescrit à l'article 40 de la présente Constitution.
55. La communion, sommet de la participation à la messe ; la communion sous les deux espèces
On recommande fortement cette participation plus parfaite à la messe qui consiste en ce que les fidèles, après la communion du prêtre, reçoivent le Corps du Seigneur avec des pains consacrés à ce même sacrifice.
La communion sous les deux espèces, étant maintenus les principes dogmatiques établis par le Concile de Trente, peut être accordée, au jugement des évêques, dans les cas que le Siège apostolique précisera, tant aux clercs et aux religieux qu'aux laïcs ; par exemple : aux nouveaux ordonnés dans la messe de leur ordination, aux profès dans la messe de leur profession religieuse, aux néophytes dans la messe qui suit le baptême.
101. Langue
§ 1. Selon la tradition séculaire du rite latin dans l'office divin, les clercs doivent garder la langue latine ; toutefois, pouvoir est donné à l'Ordinaire de concéder l'emploi d'une traduction en langue du pays, composée conformément à l'article 36, pour des cas individuels, aux clercs chez qui l'emploi de la langue latine est un empêchement grave à acquitter l'office divin comme il faut.
§ 2.Quant aux moniales et aux membres, hommes non clercs ou femmes, des instituts des états de perfection, le supérieur compétent peut leur accorder d'employer la langue du pays dans l'office divin, même pour la célébration chorale, pourvu que la traduction soit approuvée.
Tout clerc astreint à l'office divin, s'il célèbre celui-ci dans la langue du pays, avec un groupe de fidèles ou avec ceux qui sont énumérés au §2, satisfait à son obligation du moment que le texte de la traduction est approuvé.
116. Chant grégorien et polyphonie
L'Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c'est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d'ailleurs, doit occuper la première place.
Les autres genres de musique sacrée, mais surtout la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des offices divins, pourvu qu'ils s'accordent avec l'esprit de l'action liturgique, conformément à l'article 30.
117. L'édition des livres de chant grégorien
On achèvera l'édition typique des livres de chant grégorien ; bien plus, on procurera une édition plus critique des livres déjà édités postérieurement à la restauration de saint Pie X.
Il convient aussi que l'on procure une édition contenant des mélodies plus simples à l'usage des petites églises.
118. Le chant religieux populaire
Le chant religieux populaire sera intelligemment favorisé pour que, dans les exercices pieux et sacrés, et dans les actions liturgiques elles-mêmes, conformément aux normes et aux prescriptions des rubriques, les voix des fidèles puissent se faire entendre.
125. Les images sacrées
On maintiendra fermement la pratique de proposer dans les églises des images sacrées à la vénération des fidèles ; mais elles seront exposées en nombre restreint et dans une disposition appropriée, pour ne pas susciter l'étonnement du peuple chrétien et ne pas favoriser une dévotion mal réglée.
Le mouvement woke: « une attaque contre l'universalisme »
Alexia Bertrand, Secrétaire d'Etat belge au Budget et à la Protection des consommateurs (Open Vld) le VIF, 08/02/2023
Le mouvement woke nous demande d'être « réveillés » face à toutes les formes d'injustice dans notre société mais il se base sur une approche cloisonnée, estime Alexia Bertrand. Or la solution ne consiste pas à promouvoir une ou plusieurs cases, ce que semblent pourtant faire Bart De Wever et Georges-Louis Bouchez.
Selon Bart De Wever, « le poisson pourrit par la tête ». La semaine dernière, il sortait son dernier pamphlet. Non pas sur la pêche en Mer du Nord, mais sur le mouvement « woke ». Georges-Louis Bouchez avait déclaré un peu plus tôt dans le Nieuwsblad : « Ce qui m'a le plus agacé, c'est le mouvement woke qui a commencé à s'opposer à tous les hommes blancs ». Les deux reprochent au mouvement woke de vouloir attaquer tout ce qui est masculin dans le monde. Mais ne se rangent-ils pas eux-mêmes dans des cases, alors que c'est précisément ce qu'ils critiquent? C'est peut-être ce qui vit sur Twitter. Mais le monde dans lequel je vis, les gens que je croise dans la rue, ne sont pas aussi binaires. Je ne souscris pas à cette mentalité de cloisonnement. Je suis Alexia Bertrand, un mille-feuille d'identités. Libérale et solidaire, bruxelloise née en Flandre, animée par l'esprit d'entreprise et obsédée par le climat,
Le mouvement woke, éveil face à l'injustice
Le mouvement woke nous demande d'être « réveillés » face à toutes les formes d'injustice dans notre société. Éveillés et militants pour réparer ces injustices. Nous parlons ici de l'impact du colonialisme, des questions de genre et de sexualité, de la lutte contre les comportements paternalistes, de la rectification des injustices historiques et politiques, etc. Le terme « woke » est né dans les années 60 comme un terme militant dans le mouvement afro-américain. À l'époque, être « woke » signifiait être conscient socialement et racialement. Aujourd'hui, on est « woke » si on sait ce que signifient les termes « metro », « cis » et « pan ». Si on s'excuse auprès d'un groupe de population qui a subi une injustice.
« Le mouvement woke est une attaque contre l'universalisme »
C'est là que se situe le danger selon moi. La pensée woke se base sur une approche cloisonnée. Or la solution ne consiste pas à promouvoir une ou plusieurs cases, ce que semblent pourtant faire ces deux hommes politiques. Le mouvement woke n'est pas une attaque contre l'homme blanc, quinquagénaire, privilégié. Non, le mouvement woke est une attaque contre l'universalisme, celui que moi-même et tous les libéraux défendons. Nous ne vaincrons pas les excès de la pensée woke, tels que la « cancel culture », en promouvant la nationalité flamande. Nous ne parviendrons pas à éliminer la pensée cloisonnée en créant davantage de cases et de distinctions. Chaque individu est composé de diverses couches, de diverses identités, de besoins et souhaits variés. Ceux-ci peuvent même entrer en conflit au sein d'un même individu. C'est bien pour cela qu'on doit défendre des valeurs et des droits universels. Pour protéger l'individu dans son intégralité plutôt que dans ses identités prises séparément.
Un diocèse catholique américain « clairement » en lutte contre l'idéologie de genre, voire contre les changements de sexe (site suisse de cath.ch)
Le diocèse catholique de Des Moines, dans l'Iowa, aux États-Unis, a publié sept règles concrètes contre l'idéologie du genre, applicables, dès le 16 janvier 2023, dans ses 80 paroisses, 17 écoles et 4 hôpitaux. Si beaucoup de fidèles y voient du bon sens, les milieux LGBT dénoncent une discrimination voire un appel à la haine.A titre d'information, cath.ch a traduit le document publié
par le diocèse catholique de Des Moines : «Directives obligatoires
pour les paroisses, écoles, organisations et institutions de l'Église
catholique du diocèse de Des Moines
1) La dénomination et les pronomsToute documentation paroissiale, organisationnelle ou institutionnelle
exigeant la dénomination du sexe d'une personne doit refléter le sexe
biologique de la personne.
Nul ne peut désigner un «pronom préféré», que ce soit par la parole ou par
écrit, lorsqu'il s'agit d'activités ministérielles (ecclésiales) de quelque
nature que ce soit, et les paroisses, organisations ou institutions ne doivent
pas permettre une telle désignation.
Permettre la désignation d'un pronom préféré au nom d'un acte de charité
favorise la dissociation du sexe biologique et du «genre» et, par conséquent,
confond ou nie l'intégrité de la personne.
2) Toilettes et vestiairesToute personne doit utiliser les toilettes ou les vestiaires correspondant
à son sexe biologique. Les paroisses, organisations et institutions diocésaines
sont autorisées à mettre des toilettes individuelles à la disposition de tous
les membres de la communauté concernée.
3) Vêtements
Toute personne devrait normalement se présenter d'une manière conforme à la
dignité que Dieu lui a donnée. Lorsqu'il existe un code vestimentaire ou
l'utilisation d'un uniforme, toutes les personnes doivent suivre le code
vestimentaire ou l'uniforme qui correspond à leur sexe biologique.
4) Sports et activités extra-scolairesLa participation aux activités paroissiales, scolaires et extrascolaires
doit être conforme au sexe biologique du participant. Certains sports et
activités devraient être ouverts à la participation de personnes des deux
sexes.
5) Écoles, bâtiments et autres programmes et institutions non
mixtesL'admission aux programmes non mixtes - y compris, mais sans s'y limiter,
les écoles, les camps, les retraites - est limitée aux personnes du sexe
biologique désigné. Les résidences et autres bâtiments non mixtes sont réservés
aux personnes de leur sexe biologique respectif.
6) MédicamentsIl est interdit de posséder ou de distribuer des médicaments dans le but de
changer de sexe. En outre, les étudiants ou les personnes confiées aux soins de
l'Église ne sont pas autorisés à prendre des «bloqueurs de puberté», même s'ils
sont auto-administrés sur la propriété de la paroisse ou de l'école, dans le
but d'un «changement de sexe» réel ou potentiel.
7. Protéger les personnes vulnérablesLes personnes confiées aux soins de l'Église qui expriment une tension
entre leur sexe biologique et leur «genre» et les autres personnes directement
concernées par cette tension (parents, tuteurs, etc.) devraient être guidées
par des conseillers et des ministres appropriés qui aideront la personne d'une
manière qui soit en accord avec les directives et les enseignements de
l'Église.
Les paroisses, les écoles et les autres institutions ou organisations
catholiques doivent avoir à l'esprit et, conformément aux politiques du présent
document, pratiquer la charité et respecter la dignité personnelle des
personnes qui expriment des tensions ou des préoccupations au sujet de leur
sexe biologique.»
NDLR : Ce texte ne vise évidemment pas les pratiques visant les thérapies de conversion (en gros faire rentrer les homosexuels (*) dans le moule traditionnel de l'hétérosexualité). Ces dernières thérapies sont surtout en vogue dans certaines confessions évangéliques notamment en Suisse, aux EU,.. à tel point que des cantons suisses ont votés ou sont sur le point de le faire des textes visant à les prohiber les jugeant (Gouvernement du canton du Jura) comme « des pratiques pseudo-scientifiques, inhumaines et non éthiques visant à modifier l'orientation sexuelle et affective» 24/01/2023
(*) Remarquons toutefois qu'à propos de l'homosexualité, et dans un entretien à l'agence Associated Press (AP) diffusé mercredi 25 janvier (Le Monde, 25/01/2023), le pape François a jugé « injustes » les lois qui criminalisent l'homosexualité, orientation sexuelle qui demeure toutefois un « péché » à ses yeux. Il a appelé les prêtres qui soutiennent de telles lois à accueillir dans leurs églises des personnes homosexuelles, tout en jugeant que leur point de vue est fondé sur des contextes culturels, et a appelé de ses vœux un « processus de conversion » pour que ces prêtres accordent une dignité égale à chacune et à chacun.
« L'homosexualité n'est pas un crime », selon le pape François, qui estime que l'Eglise doit participer à l'abrogation de telles réglementations. Il a cité le catéchisme de son Eglise, selon lequel les personnes homosexuelles y sont les bienvenues et ne doivent pas être marginalisées.
Auprès d'AP, le pape a maintenu qu'à ses yeux l'homosexualité reste un « péché », au même titre que « le fait de manquer de charité envers quelqu'un ». D'après la doxa catholique, les homosexuels doivent être traités avec respect mais cette orientation demeure « intrinsèquement désordonnée ».
DORIS WAGNER, religieuse contrôlée, manipulée, abusée, son témoignage
Doris WAGNER (*)
NICHT MEHR ICH
« Ce n'est plus moi »
L'histoire vraie d'une jeune religieuse
Prochainement paraîtra un livre écrit par Doris WAGNER, de nationalité allemande, adhérente de l'AVREF (Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles).
Doris WAGNER, après avoir été religieuse dans une communauté, raconte son histoire personnelle et nous fait part des maltraitances qu'elle y a subies et des abus dont elle a été l'objet.Son témoignage rédigé dans sa langue maternelle est la marque d'un esprit libre. La sortie de son livre a donné lieu à des interviews dans la presse écrite. Elle a également participé à des émissions de télévision consacrées au problème des sectes dont tout récemment sur une chaine française..
Doris WAGNER avait également livré à l'AVREF, en avant-première, son témoignage rédigé en langue anglaise au printemps dernier puis traduit en français avec ajout des sous-titres. Il se lit d'une traite : ami(e) internaute vous allez être captivé(e) par son récit...Comme l'anglais n'est pas ma langue maternelle, je vais raconter mon histoire de façon un peu grossière sans donner trop de détails qui pourraient facilement dépasser ma maîtrise de la langue. Je vous demande pardon pour les erreurs inévitables que je ferai.
Doris
La jeunesse
Grandie dans une famille luthérienne de sept enfants, la foi avait été essentielle pour moi déjà dès ma tendre enfance. Mes parents ont dû faire face à plusieurs difficultés, parmi lesquelles il y avait les maladies, l'exclusion sociale et le manque permanent d'argent. Mais ils étaient courageux et ne sont jamais allés jusqu' aux bagarres, à l'alcool ou à d'autres moyens compréhensibles de faire face à leur destin. C'était Dieu, qui était et avait toujours été leur ancrage et leur réconfort, et donc il est devenu le mien. Pourtant, les douleurs de mes parents m'ont empêchée d'avoir le cœur léger. J'ai à peine trouvé du plaisir dans les jeux et les centres d'intérêts de mes camarades de classe. Pourtant, j'ai appris très tôt que je pouvais toujours me tourner vers Dieu avec n'importe quel problème et donc j'étais en paix. Plus j'avançais en âge, plus ma vie devint sérieuse et, dans un sens, solennelle. Je me sentais comme une petite sainte, portant la croix avec le Christ, souffrant en silence et volontairement sans le montrer, étant toujours là pour les autres, surtout pour mes petits frères et sœurs, ne pensant jamais à moi-même. J'étais vraiment bonne à ça (façon amère de le dire). Et ce fut ma meilleure préparation à la vie consacrée.
Quand j'eus l'âge de onze ans, mon père a eu un grave accident de voiture. Il a failli en mourir. Deux de mes frères et ma petite soeur furent sévèrement blessés. La période qui a suivi a laissé ses traces amères dans la vie de ma famille jusqu'à aujourd'hui. Tout a empiré. Mais il y avait beaucoup d'aides, aussi. Le curé de la paroisse catholique a souvent visité ma mère et prié avec elle. Elle a commencé à fréquenter la messe du dimanche catholique et cela l'a profondément réconfortée. Ce fut le début d'un parcours à la fin duquel toute notre famille s'est convertie à la foi catholique. J'étais alors âgée de quinze ans. Et ma foi suivait son chemin et prospérait. Immédiatement après la conversion je " savais " que j'avais une vocation à la vie consacrée. J'ai lu la biographie de sainte Thérèse, des enfants de Fatima, de Thérèse d'Avila et de Jean de la Croix (ce genre de choses m'a vraiment exaltée ...). Je souriais toute la journée, ne cessais de chanter des hymnes d'Eglise (de préférence ceux qui sont en latin), j'assistais à la messe tous les jours et m'habillais uniquement dans de longues jupes tandis qu'en même temps j'excellais dans la vaisselle, le nettoyage et gardiennage. J'étais une candidate parfaite pour n'importe quelle communauté religieuse, en particulier pour les «jeunes et ferventes " récemment fondées. J'étais prête à quitter l'école à l'âge de seize ans pour entrer dans un couvent. Mais mes parents et professeurs me convainquirent de terminer, ce que j'ai fait en 2003 en obtenant plutôt de bonnes notes.
La vocation
Pendant les vacances d'été avant la dernière année à l'école, j'ai rencontré des Sœurs de la famille spirituelle *******[1] .D'abord, je ne les aimais pas. Elles ne portaient pas d'habit, ce qui pour moi était un mauvais signe. Je voulais plutôt à entrer dans un couvent très austère et cloîtré, avec des Sœurs portant les longs habits anciens à col haut. Pourtant, je me sentis obligée d'accepter leur invitation à visiter leur maison mère à Bregenz. Cette visite fut pour moi une sorte de coupure finale. L'énorme ancien monastère au pied de la colline avec son magnifique jardin , la messe solennelle de l'Assomption , de nombreux jeunes prêtres autour de l'autel , les quantités de visages jeunes et rayonnants , toute l'atmosphère de prière et de joie et last but not least l'attention qu'ils m'accordèrent. Jamais dans ma vie tant de prêtres et de religieuses avaient pris tant de temps pour me parler. J'ai été submergée ! Et en même temps j'ai été frappée : il était évident que j'étais appelée à ******* : mon verset de baptême était identique à la devise de la communauté ! « C'est l'œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. " Comment pourrais-je refuser un signe aussi clair de Dieu ? Déjà au baptême, au début de ma vie, il m'avait appelé à rejoindre ******* - comment pourrais-je résister! Les frères et sœurs heureusement furent d'accord avec moi ! Oui, Dieu m'avait appelée et j'étais très bien accueillie. Aussi, déjà lors de ma première visite mon entrée était réglée. Pas assez ! Pendant les dix mois restants, les prêtres et les soeurs de ******* prirent soin de visiter ma famille, bien que nous vivions à plusieurs centaines de kilomètres d'eux. Ils organisèrent plusieurs rencontres pour les jeunes gens de mon village et les invitèrent à venir à Bregenz, ce que beaucoup d'entre eux ont fait. Heureusement personne à côté de moi n'a décidé d'entrer finalement.
Je suis entrée à l'âge de 19 ans, deux mois seulement après mes examens finaux à l'école. J'étais éperdument en amour avec la communauté. Ils m'avaient dit tellement de choses sur les intentions que Dieu pouvait avoir en m'appelant. Peut être que je serais envoyée à Rome ou en France, ou même aux États-Unis ou à en Afrique ou à Jérusalem ! Et quel genre de formation recevrais-je ? Tant semblait possible. Il y avait des sœurs qui avaient étudié à l'Université. Certaines étaient infirmières. Finalement, tout était possible, si Dieu voulait. Cette perspective était très excitante. Mais encore, j'étais déterminée à apprendre en premier lieu à servir et à ne pas émettre la moindre réclamation. J'étais à la place où Dieu m'avait appelée à et cela suffisait. Tout ce qui pouvait m'arriver désormais, même si c'était seulement une souffrance, c'était la volonté de Dieu et rien ne pourrait être meilleur. J'étais fermement décidée à accepter joyeusement tout ce qui pourrait m'advenir.
Le premier test vint rapidement. J'ai dû abandonner mes vêtements et j'en ai eu d'autres à la place. Une soeur amena dans ma chambre d'énormes sacs en plastique avec des vêtements de seconde main, vida ma garde-robe et me fit essayer des jupes et chemisiers qui ressemblaient à ceux d'une femme âgée avec un mauvais goût. Je me sentais très mal et je réussis à peine à retenir mes larmes. Elle me donna quelques sous-vêtements vraiment démodés, aussi, en disant que les Sœurs les portaient pour protéger nos prêtres (ça cachait parfaitement l'ensemble du corps. En les portant, je ne me sentais plus femme du tout. J'étais devenu un être neutre, une Sœur, l'une d'elles). Profondément affligée j'ai eu du mal à accepter ce changement de vêtements. Je me suis senti injustement traitée, mais n'était-ce pas le moment même de ma probation ? J'étais déterminée à passer ce test avec une bravoure et c'est ce que j'ai fait.
Après cet incident, il n'y eut rien qui soit venu perturber ma paix pendant une longue période. Certes, ma famille me manquait, surtout mes petites soeurs et je rêvais souvent d'elles. Mais ma vie était calme et belle. Je travaillais à la cuisine, jour après jour et je me sentais parfaitement heureuse, souriant toute la journée. En automne, je fus transférée à Rome, où j'ai travaillé dans la cuisine et la buanderie et j'ai appris un peu d'italien et néerlandais. J'ai bien aimé !La vie religieuse
Il est presque impossible pour moi de déterminer quand exactement j'ai commencé à réaliser que quelque chose n'allait pas. Je sais seulement que à un certain moment, j'ai remarqué que ma vie entière était sous le contrôle parfait de mes supérieures. Elles fixèrent ma charge de travail et mon horaire quotidien, ce qui me laissait à peine une minute de repos, elles me dirent d'écrire un rapport hebdomadaire et elles avaient véritablement connaissance de mes pensées et de mes sentiments. Non seulement cela : elles me dirent ce que je devais effectivement penser et ressentir. J'appris que je n'étais pas censée parler à qui que ce soit sauf ma supérieure de questions personnelles. Elle était en charge en même temps de mon for externe et de ma direction spirituelle, et c'est elle qui a choisi mon confesseur (qui était son frère biologique). J'ai appris que je n'étais pas censée lire de livres. La seule chose que l'on attendait de moi était de travailler et d'accepter ce qu'on me disait. Le fait de raisonner nous fut présenté comme une sorte de pécher de notre génération moderne, qui a devait être confessé. C'est pourquoi je m'efforçais durement de me convaincre moi-même et les autres que je pouvais obéir sans raisonner. Je savais que j'avais une forte tendance à réfléchir et alors j'avais besoin de la surmonter. A la fin j'ai vraiment réussi à débrancher ma raison. Pourtant, je n'ai pas remarqué que cela me rende malade. J'avais perdu ma liberté et mon orientation, j'étais aliénée de moi-même. Je devins très déprimée, sans le savoir, car je ne me permettais pas de réfléchir sur mes sentiments, ni d'avoir des sentiments du tout. J'étais devenue une marionnette, me levant tôt, toujours souriante, travaillant dur, ne faisant jamais de réclamations, ponctuelle à la prière cinq fois par jour. J'étais comme si je n'avais pas de passé, pas de personnalité, pas de désirs, pas de préférences, complètement « sans moi-même » (quel mot effrayant !). Comme notre fondatrice l'avait établi, je n'étais plus moi-même, j'étais complètement devenue « l'œuvre » «. Seulement parfois, j'ai remarqué des larmes coulant sur mes joues, à la prière ou quand j'étais dans mon lit. J'ai à peine réalisé le fait et je n'avais aucune idée de ce que pouvait être la raison de ces larmes, je savais seulement d'instinct que je devais les cacher car elles n'étaient pas trop bien vues par mes supérieures.
Dans l'entre temps j'avais passé près de deux ans en Angleterre, six semaines à Jérusalem, plusieurs étés à Bregenz et je fus à nouveau de retour à Rome. Je n'ai jamais pu voir grand chose des lieux où je vivais et je savais à peine plus de deux semaines à l'avance, que j'allais être transférée. Principalement mes tâches étaient le nettoyage, la cuisine et la lessive, de temps en temps je donnais des visites guidées ou je préparais de courtes méditations pour la communauté.
Les doutes
Au début de 2007, j'ai eu la première crise véritable. On m'a dit que je serais admise au voeu solennel de la virginité plus tard dans l'année. En fait, j'aurais dû être heureuse. J'avais attendu cela depuis si longtemps. Pourtant, au contraire j'ai été profondément déprimée. Quel sens y avait-il à rester vierge? Je ne savais pas. J'ai commencé de nouveau à raisonner, mais cela ne m'a pas servi. En aucune façon la virginité ne m'est apparue comme une perspective prometteuse. Et pourtant, j'y étais appelée (il n'y avait pas de doute à ce sujet !). Je me ressentais très fortement mon désir d'avoir des enfants. Je voulais être aimée, également d'une manière physique. En même temps, je savais que ce serait à jamais impossible pour moi. Ma supérieure ne m'a pas aidée, elle semblait ne pas comprendre mon problème et, à la place, m'ont donné quelques méditations sur la virginité. Enfin je me suis mise colère contre Dieu. Tant que je vivrais, je serais appelée à la virginité et vivre sans suivre cet appel signifiait inévitablement être malheureuse. Je savais qu'il y avait une seule façon d'échapper à Dieu, le suicide. En fin de compte je me suis rendue. Si Dieu m'avait appelée, la meilleure chose était encore de l'accepter et de faire le vœu de virginité. Finalement, cela me rendrait heureuse ou au moins ce serait bon à quelque chose, même si je ne savais pas à quoi. Et si Dieu était cynique et prenait juste plaisir à me regarder souffrir, je ne voulais pas lui échapper de toute façon, car il était Dieu. Ma supérieure savait que je me débattais. Elle n'a jamais remis en question ma vocation et ne me fut pas du tout en aide. Ma faiblesse l'a seulement mise en position de plus de puissance envers moi. Quoi qu'il en soit mon voeu n'était pas le point crucial de la célébration, car c'était la quantité et la qualité des invités qui allaient être conviés. Le Secrétaire du Pape, son médecin et son maître de cérémonie étaient parmi eux.
L'agression
Dans les mois précédant et suivant la célébration le recteur de la maison vint peu à peu plus près de moi. Comme il était le supérieur masculin et un prêtre, personne dans la maison n'atteignait un rang plus élevé et donc personne ne le contrôlait. Dès que je travaillais de façon isolée il était là à côté de moi, exprimant sa frustration à propos des autres membres de la communauté, me disant combien il était incompris et maltraité. J'étais complètement choquée et irritée. Comme il était prêtre et supérieur il était une personne à écouter et à qui obéir. En même temps, il enfreignait les règles, car nous n'étions pas censés parler de questions personnelles. Et finalement, je n'étais pas capable de l'aider et n'étais pas censée le faire. Il ne m'est jamais venu à l'esprit, que ce n'était pas de l'aide qu'il cherchait, mais autre chose jusqu'à ce qu'il commence à me toucher. A ce moment, je fus vraiment alarmée. J'avis terriblement peur. Bien que j'eusse aussi peur de ma supérieure que je l'avis de lui, dans ma détresse, je décidai de me tourner vers elle. Le résultat fut comme je l'avais prévu : elle me blâma pour le fait qu'il m'ait parlé. Elle était furieuse et me dit de rester loin de lui. Pas moyen de lui faire comprendre à elle, que ce n'était pas moi, mais lui qui cherchait toute occasion d'être près de moi. Maintenant, le seul moyen de lui échapper semblait être la confrontation directe. Je dis que ce n'était pas bien de sa part de me parler de questions personnelles. Il n'a réagi en aucune façon. Je lui écrivis une lettre pour lui demander de me laisser tranquille. Il répondit qu'il comprenait et que nous devrions parler tranquillement de tout cela le soir même. Pour ce faire, il arriva dans ma chambre après la prière du soir. Au lieu de dire quoi que ce soit, cependant, il commença à me déshabiller. - J'étais gelée, effrayée à mort. Et j'ai su immédiatement non seulement de quoi il s'agissait, mais aussi que j'étais complètement dans ses mains. Sans lieu en dehors de ma chambre pour prendre la fuite, aucune personne à joindre. Et aucun moyen de le blâmer pour ce qu'il faisait : jamais personne me croirait quand je dirais. Il était le prêtre. J'étais la femme. Je m'entendais lui répétant : " Arrêtez, arrêtez. Vous ne devez pas le faire. Ce n'est pas permis. " J'ai essayé de tenir ses mains pour l'empêcher de continuer, mais j'étais de loin trop faible. Alors je l'ai laissé passer. Ça m'a fait si terriblement mal. Je saignais. Et je sentais comme si tout ce qui était resté de moi-même était en passe d'être éteint. Je me souviens à peine des semaines suivantes. Je sais, seulement qu'il est venu encore et encore. Je ne me souviens pas combien de fois.
L'amitié
Si terrible que ce fut, ce fut le point tournant. Car je savais de façon définitive, qu'il n'était pas autorisé à me le faire et que ce n'était pas bien. En même temps, je savais que cela m'était arrivé parce que je m'étais attachée aux règles et que cela aurait pu être évité seulement si je ne m'en étais pas tenue aux règles, par exemple en en parlant aux autres, en blâmant ma supérieure, en faisant des réclamations pour obtenir d'autres tâches, pour 'être transférée, ou des choses de ce genre. Quelque chose dans mon attitude changea calmement et lentement : je n'avais plus confiance dans les règles désormais, je ne faisais plus confiance à mes supérieures. Le mot « inconditionnellement » n'avait plus de pouvoir, car j'avais compris qu'il ne serait jamais bien de faire quelque chose inconditionnellement. Il y avait toujours au moins une condition : ma vie et mon intégrité devaient être respectées. Je n'étais en aucune façon obligée de me prostituer. Ce n'était pas la volonté de Dieu et ce ne pourrait jamais l'être. Dieu ne voulait pas que je souffre - c'est ce que j'ai compris à la fin et cela a tout changé.
Cependant, j'étais méchamment abattue. Ni mon raisonnement, ni mes émotions ne fonctionnaient correctement. Je travaillais de façon apathique, en remarquant à peine ce qui s'est ce qui se passait à l'intérieur et autour de moi. Je me sentais comme sous l'effet d'un tranquillisant. Je n'avais plus la moindre estime de soi. Mais Dieu m'a protégé. L'été, j'ai été envoyée à Bregenz à nouveau et là, j'ai eu à travailler de concert pendant un certain temps avec un jeune frère, plus âgé que moi seulement de quelques années. Il avait un comportement complètement inattendu, me demandait comment j'allais, ce qui se traversait mon esprit et me provoquait dans des discussions sur les bénéfices de la souffrance. Pendant des années, cela ne m'était pas arrivé. Il me parlait vraiment ! Il me regardait dans les yeux. C'était moi, de qui il parlait. Si vous n'avez jamais fait l'expérience d'un réel isolement dans une institution totalitaire sur une longue période, vous serez incapable de comprendre, ce que cela signifiait. C'était tellement libérateur, et c'était effrayant en même temps. Je sentais à nouveau que j'étais quelqu'un. J'avais un nom et un visage, et j'avais un intellect. Et c'était merveilleux de m'en servir! Pour être contestée dans une discussion! C'est ce que j'aimais. J'avais toujours aimé cela. Pourtant, cela m'a extirpé du filet familier de règles dans lequel j'avais vécu toutes ces années. Non pas que je voulais m'y attacher - j'avais déjà appris à m'en méfier - mais j'étais incertaine de ce qui les remplacerait. Comment devais- je me comporter ? Et pouvais-je vraiment lui faire confiance ? Nous savions tous les deux, que le fait de parler de cette façon l'un avec l'autre était dangereux. Si quelqu'un nous avait pris par surprise les conséquences auraient été terribles : des séances de questions durant pendant des heures , des punitions, l'interdiction stricte à jamais, de toute façon, de nous rencontrer à nouveau . Cette conscience créa un lien très étroit entre nous, comme l'avait fait notre communauté de vues. Probablement pour la première fois de ma vie j'avais un ami, un ami merveilleux. Nous avons commencé à nous aimer l'un l'autre d'une manière très spéciale, avec le sentiment que Dieu avait un plan pour l'avenir de la communauté dans laquelle nous étions les protagonistes. Nous discutions de l'état de la communauté et de ce que l'on pourrait faire pour la changer. Et nous sommes restés en contact même après que je fus envoyée à Rome. Il m'a dit comment ouvrir un compte e-mail gratuit, afin que nous puissions continuer nos échanges secrets (je dus me faufiler dans la salle PC à un moment sans surveillance afin de le faire. Je me sentais comme dans un mauvais film. Dans les mois et les années à venir nous allions traverser de nombreuses situations absurdes et ridicules comme celle-ci, de façon à parler, nous rencontrer ou nous envoyer des lettres . Parfois, elles furent vraiment comiques, parfois, elles furent effrayantes).
La confrontation
De retour à Rome en automne, je me sentais beaucoup plus forte (même si un quelqu'un de l'extérieur aurait probablement encore pu me juger assez instable). En premier lieu, j'ai eu la force de chasser au loin mon agresseur, qui désormais me laissa seule. Il fut le premier à réaliser que j'avais changé. L'amélioration supplémentaire c'est que je fus invitée à étudier la philosophie et la théologie. Ils m'ont envoyée à l'Université de l'Opus Dei, qui vraisemblablement n'est pas supposée être un espace de liberté et de libre pensée. Mais pourtant elle le devint pour moi, surtout parce que j'étais en mesure de sortir de la maison, de lire des livres et d'apprendre des choses sur Aristote, Augustin et Thomas, qui sont devenus les instruments de ma libération. Et j'ai eu de très bonnes notes, ce qui était pour moi un retour important, qui m'a aidée à renforcer mon estime de moi. J'ai commencé à écrire un journal (ce qui n'a pas été autorisé explicitement). Et j'ai écrit des tas de lettres à mes supérieurs remettant en cause les règles de vie de la communauté au jour le jour, faisant des suggestions d'amélioration en particulier pour la formation des novices et des réclamations comme « Permettez- moi de lire les Constitutions, en intégralité, et non seulement certains chapitres ! " A peine ont-elles répondu. Je n'ai pas accepté plus longtemps en silence les ordres de ma supérieure, mais j'appris à la défier de telle manière qu'elle devait rétropédaler.
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Cependant, je souffrais de nombreux revers. Le fait de m'Imposer des travaux de nettoyage inutiles augmenta ma charge de travail de sorte que je manquais mes études. J'ai essayé de me défendre contre cette action, sans succès. Mon confesseur fut changé, et le nouveau me fit en confession des avances sournoises qui m'effrayèrent. Quand je le dis à ma supérieure, elle l'excusa, heureusement, elle ne m'obligea pas davantage à me confesser à lui. Au lieu de cela, elle m'obligea à l'accompagner à une présentation de livre en plein cœur de la ville à 22 heures ! C'était très inhabituel ou plutôt inenvisageable en termes de vie communautaire habituelle et le livre n'en valait pas du tout la peine. J'avais vraiment peur. Mais je réussis à la surmonter au cours de cette soirée en attrapant un autre bus, assise dans une rangée différente et échappant à sa poursuite encore et encore. Lentement mais sûrement, mes supérieures augmentèrent leur pression sur moi en me posant des questions sur ma fidélité, mon humilité et ma piété. J'avais besoin de faire des compromis sur certains points précis qui me donnaient l'impression d'être vaincue. Je réalisai péniblement que j'étais vraiment en position de faiblesse et que j'étais dans la crainte permanente d'être punie de cette façon ou d'une autre. Et durant tout ce temps-là je devais cacher soigneusement le contact avec mon cher ami. S'il n'avait pas été là, je n'aurais jamais réussi à tout supporter.
À un certain moment, je lui ai dit ce que mon agresseur m'avait fait avant que nous nous soyons rencontrés. Cela le choqua durement. Je n'avais pas réalisé ce que cela signifiait pour lui. Il devait décider : s'il m'aidait, cela deviendrait vraiment sérieux et risqué pour lui. S'il m'abandonnait, ce serait ma ruine. Il décida de m'aider et il le fit de façon très gentille. Il s'efforça en premier lieu de bâtir ma propre estime de moi-même. Pour ce faire, il m'a présenté des choses qui pouvaient me permettre quelques expériences bonnes et utiles. Quand il vint à Rome pour quelques jours dans un moment sans surveillance, il eut l'audace de me remettre un Ipod équipé avec des morceaux de Bach, Mozart, Chopin, ainsi qu'avec des pistes de Western Story, les chansons de Eros Ramassoire, Andrea Belli, Edith Piaf, Erra, Green Dray et Bryan Adams. Il me fit regarder des films comme le Seigneur des anneaux, Matrix, L'Avocat du diable et Equilibrum. Il me fit même présent d'un foulard et un parfum cher (que bien sûr je ne pouvais pas utiliser), parce qu'il voulait m'aider à redécouvrir ma féminité. Et il m'encouragea à lire non seulement la philosophie, mais aussi de la poésie et de la fiction. Je lis surtout Dostoïevski et redécouvris Rilke (dont je connaissais par cœur de nombreux poèmes). Tout cela m'aida à redévelopper mes émotions et mon intellect, c'est à dire ma personnalité et donc à retrouver la liberté et de l'orientation. Bien sûr, je devais garder tout cela secret, et bien des fois j'ai eu la panique que quelqu'un pourrait fouiller ma chambre et trouver un de ces objets de valeur. Aussi, je devais m'assurer de l'espace et du temps qui me permettaient d'écouter de la musique, de lire et d'écrire, ce qui était parfois vraiment difficile. Et j'ai eu des scrupules à certains moments et n'osais pas faire, ce que j'aurais pu faire. Mais au cours de cette période d'environ deux ans, j'ai rassemblé beaucoup de force.
Dernières manipulations avant le départ
A ce point, il était devenu clair pour moi, que les supérieures n'étaient nullement au courant de l'état déplorable de la communauté. Et j'ai décidé de leur dire ce que le recteur de la maison m'avait fait subir quelques années auparavant. Je pensais que si elles savaient, elles devraient inévitablement faire face aux carences qu'elles n'avaient pas pu voir auparavant. Bien sûr, j'avais complètement tort. La première réaction de ma supérieure fut l'indignation complète, elle criait et pleurait, furieuse de colère à mon sujet. Et ça a continué comme ça. Les réactions des supérieures internationales furent assez similaires. L'une des mesures qu'elles ont prises a été de m'envoyer en Allemagne, loin de toute communauté locale. je devais vivre là dans un couvent d'une vingtaine de sœurs de miséricorde âgées, (qui étaient de façon perceptible affectées par des décennies de la vie conventuelle). Heureusement, j'ai pu poursuivre mes études là-bas dans une faculté de théologie plutôt éclairée. Aussi, m'a-t-on dit de faire une demande de bourse qui pourrait couvrir les frais de mes études, ce que j'ai fait et j'ai reçu une bourse d'études pour les étudiants très talentueux, ce qui n'était pas seulement ma fierté et ma joie J, mais aussi ce qui était juste assez pour me rendre effectivement indépendante sur le plan financier. Pourtant, j'ai continué à avoir des visites régulières d'un prêtre haut placé dans la hiérarchie de la communauté qui venait passer toute la journée à se pencher sur mon cas, à insister que j'étais coupable de ce qui m'était arrivé et que je n'étais tout simplement pas assez disposée à me rendre à mes supérieures, ce qui aurait été la seule façon pour moi de prouver mon amour pour Dieu et d'être à nouveau en paix. Même si je lui répondais de façon décidée, je fus tout à fait au bord des larmes à plusieurs reprises, ce qui ne le dérangeait pas du tout. Au cours de ces mois, j'ai été plus d'une fois au bord du suicide.Ce fut mon ami qui me donna la force de persévérer et d'avoir confiance que Dieu n'était pas ce genre de nain cynique en qui les supérieurs nous faisaient croire, mais qu'il était vraiment le grand Dieu infini beau et aimant que nous croyons qu'il est. Si Dieu était ainsi, lui qui nous a créés et nous a doués de talents avec intelligence et amour, il ne nous traiterait pas comme ils l'ont fait.
En Janvier 2010 mon ami quitta la communauté. En Septembre, je décidai de faire la même chose. Je réalisai que rester dans la communauté n'avait pas de sens, même si je croyais encore que Dieu m'y avait appelée. Je pensais juste, qu'il n'avait jamais voulu qu'elle soit dans un tel état déplorable et que pour le moment il n'existait pas de moyen que je puisse la changer. Au contraire, elle me rendait malade. Et j'avais les moyens de quitter la communauté car j'avais mon propre argent. Quand je leur ai dit que je voulais partir, elles ont d'abord essayé de me persuader de rester. Elles ont été terriblement émouvantes et ont essayé de me convaincre que finalement elles avaient compris ce que j'avais essayé de leur dire. Aujourd'hui, la communauté allait changer de façon spectaculaire - est-ce que je voudrais vraiment me priver de la joie de la voir à nouveau florissante ? Elles me mirent en face de perspectives merveilleuses: quand j'aurais fini mes études, je deviendrais un membre influent de la communauté. - Je ne les ai jamais crues une minute. Quand elles virent que leurs efforts étaient inutiles, elles sont immédiatement venues avec un papier que je devais signer. Il y est dit qu'en quittant j'abandonnais toute réclamation envers la communauté. Je l'ai signé sans savoir qu'en fait elles étaient légalement tenues de compenser les paiements de la caisse de retraite pour les huit années que j'avais passées comme Sœur de ******. Aujourd'hui, je suis toujours en train de me battre pour leur faire payer cet argent.
La reconstruction personnelle
Après les avoir quittées j'ai déménagé dans une ville d'Allemagne de l'Est, loin de l'influence de la communauté. J'ai trouvé un petit appartement dans un petit village à la périphérie, où j'appris à nouveau ce que signifie être libre (même si j'avais tout juste assez d'argent pour vivre). Cependant, je n'avais pas d'amis et je n'avais pas d'assurance personnelle en termes de contact social. J'ai continué d'aller à la messe quotidienne et à prier la Liturgie des Heures pendant environ six mois. Quand je faisais de longues promenades et que je regardais le coucher de soleil, bien des fois j'ai fondu en larmes. L'hiver venu, je suis devenue très déprimée.
Au printemps, j'ai acheté ma première paire de pantalons, et je suis devenue membre d'un centre de remise en forme. J'ai à nouveau ressenti mon corps. A la fin de l'été, j'ai demandé à ma petite sœur de me donner quelques leçons de maquillage et j'ai peint mon visage pour la première fois de ma vie. Étape après étape, je récupérais ma capacité à rire ! J'ai aussi rencontré de nouveau mon ami et nous avons formé un couple. Et j'ai rencontré des gens très serviables qui m'ont encouragée à lancer des poursuites contre la communauté, ce que j'ai fait. Environ un an après, les rapports des différents ex-membres ont été envoyés à Rome, une visite papale[2] a été ordonnée. Elle est toujours en cours pour le moment. Récemment, j'ai terminé avec succès mes études et trouvé une place pour travailler. Enfin, nous nous tournons vers un avenir brillant et heureux qui se trouve devant nous.
Grâce à Dieu !
[1] Le nom de la Communauté est délibérément omis comme l'auteure l'a fait également dans son ouvrage. Ce qui importe en effet c'est l'exemplarité du témoignage, d'une histoire personnelle susceptible de se reproduire dans une autre Congrégation et non la mise en cause précise, si justifiée soit-elle, de telle ou telle Institution.
(2) L'auteure veut évidemment parler d'une enquête canonique
(*) Doris Wagner est née en 1983 en Allemagne. En 2003, à 19 ans, elle a rejoint The Spiritual Family The Work, (L'ŒUVRE) qui entretient des liens étroits avec des personnalités de la Curie romaine et a obtenu une reconnaissance pontificale en 2001. En tant que jeune sœur religieuse de cette communauté, elle a subi divers types de sévices, notamment: contrôle mental, manipulation spirituelle, exploitation et agression sexuelle. En 2011, elle a quitté la communauté et a abandonné la vie religieuse. En 2014, elle a terminé ses études de théologie en Allemagne et a publié un livre sur ses expériences. Récemment, elle a été invitée dans divers diocèses allemands à parler de l'abus spirituel dans l'Église catholique. Elle a également écrit un livre sur le sujet qui sera publié par le célèbre éditeur catholique allemand Herder en janvier 2019. Actuellement, Doris Wagner termine sa thèse de doctorat en philosophie analytique. Elle est mariée avec un enfant.
La Famille spirituelle The Work a été fondée en 1938 par Mère Julia Verhaeghe née le 11 novembre 1910 à Geluwe en Belgique et décédée le 29 août 1997.
L'Oeuvre » se compose d'une communauté de prêtres, de diacres, de séminaristes, et d'hommes laïcs. Une communauté de femmes consacrées (des sœurs) lui est également rattachée. Elle déclare s'inspirer de la pensée de John Henry NEWMAN. Elle se présente comme une des nouvelles formes de vie consacrée selon l'article 605 du Droit Canon et doit (en principe) suivre les règles communes à tous les instituts de vie consacrée. En outre les règles spécifiques qui sont prévues dans les Constitutions, lui sont (théoriquement du moins) applicables.
L'œuvre est présente en Belgique et Pays Bas, dans les pays germanophones, en Hongrie et à Rome, mais aussi en Angleterre, en Irlande, en Slovénie, aux USA et en France à Bordeaux où deux sœurs travaillent à l'Officialité du diocèse.
En 1999, la commission d'enquête parlementaire belge sur les sectes avait convoqué deux responsables de The Work/l'Oeuvre
