Travailler pour vivre ou vivre sans travailler

16/09/2022

In fine, ci-dessous, deux points de vue qui éclairent le débat entre les Ecolos français et les autres à propos du travail.(*)

Il est vrai que le débat est d'actualité par exemple avec un mouvement aux formes multiples (**) qui conteste la centralité du travail (chômage assumé, retraite largement anticipée, détravail, en faire le minimum syndical,...). Des secteurs qui furent à l'arrêt durant de larges périodes en 2020 et 2021 peinent à repartir à plein régime non par manque de consommateurs mais par la difficulté de retrouver du personnel (HORECA,...). Les confinements COVID et des périodes de télétravail en sont rendues responsables mais il y a, pour certains, peut-être aussi une volonté de réduire son empreinte énergétique. Moins je travaille, plus je réduis ma consommation d'énergie induite pour autant que je réduise parallèlement ma consommation et celle des proches qui dépendent de moi (***).

Notre "société", et d'une manière plus générale, de larges pans de l'Humanité vivent sous la contrainte du travail (parfois sous peine de mourir de faim), pour certains c'est philosophiquement assumé (et cela fait partie de leur "réalisation" de vie), pour d'autres c'est subi.

Depuis des siècles, les êtres humains sont ancrés dans la nécessité du travail, valeur parfois magnifiée par des religions ou philosophies. Vivant dans des lignées qui s'inscrivent dans l'évolution (Darwin), le progrès leur semble un idéal à atteindre sachant qu'il implique des améliorations tant des conditions de vie que des moyens d'action. Immanquablement, cette histoire devait, compte tenu de ressources sur terre qui ne sont pas inépuisables (Club de Rome, et Rapport Meadows, 1974), conduire à une impasse, à tout le moins à une nécessaire remise en question. Jusqu'ici, les sociétés ont tenté, avec des succès non négligeables, d'éviter la pénurie (qui n'a rien à voir avec le phénomène français et anecdotique des rayons vides de moutarde), en améliorant les produits et services voire en découvrant de nouveaux gisements. Une puissante voiture d'aujourd'hui consomme moins qu'un modeste véhicule des années 50 mais avec la différence qu'il y en a beaucoup plus.(****). Comme quoi les Boomers s'ils ont construit une économie toujours plus performante ont su aussi maximiser l'utilisation des ressources à leur disposition. Le niveau de vie qui en résulte globalement, permet aujourd'hui à certains de préférer vivre en rentiers tout en vilipendant leurs géniteurs.

Aujourd'hui à la pénurie prévisible de certaines ressources s'ajoutent les conséquences d'une utilisation grandissante d'énergies fossiles avec à la clef une accélération du réchauffement climatique. Une remise en question plus fondamentale serait nécessaire, éviter le débat est peut être à court terme plus séduisant (la politique vise trop souvent le court terme), mais il ne fait qu'aggraver le problème. Lorsqu'un train fou est lancé dans le brouillard, il n'est guère prudent de poursuivre sa route en espérant qu'il se lève plutôt que de freiner sans tarder.

Démissionner de toute responsabilité sociétale est-il pour autant une solution raisonnable ? Il est évident que ceux qui s'éloignent résolument du monde du travail ne financeront plus les allocations et autres systèmes de redistribution. Ce n'est pas pour demain, surtout dans des sociétés développées, que l'autosuffisance sera une réalité. Certes, cultiver son jardin, faire ses confitures, bricoler,... peuvent améliorer son ordinaire mais sera-ce suffisant. La rentabilité d'un potager sera-t-elle impactée par les premiers effets du réchauffement climatique compromettant la survie de ses adeptes ? Cela dit, il est peut être raisonnable de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier pour parcourir notre chemin terrestre. Que d'autres valeurs que le travail aient leur importance, qu'elles doivent être réhabilitées c'est vraisemblablement souhaitable. Toutefois, constatons que ce malaise est typiquement occidental. Vient-il d'une forme d'abondance matérielle qui laissent les humains sans perspectives ? Certes, le terme abondance choque ceux qui n'en profitent guère mais, même si cela peut leur sembler, à juste titre difficile, en comparaison des revenus de la plupart des autres habitants de cette terre, c'est une réalité enviée.

Il est permis de voir la problématique sous un autre jour : celui de la remise au travail de tout un chacun sachant que les humains furent souvent la première force motrice de l'Histoire. Faut-il utiliser une mini grue pour faire une tranchée ou la remplacer, comme hier, par une escouade de terrassiers ? Evidemment, cette perspective est souvent réservée aux voisins ! Sans aller jusque là, il est concevable de trouver des solutions permettant de réduire notre empreinte énergétique en utilisant mieux l'ingéniosité et les capacités des Humains. Cela implique au contraire du workbashing de redonner toute son importante (pratique et éthique) au travail.

Petit exemple, je vois dans les vignobles un (très modeste) retour aux vendanges manuelles. Est-ce le coût du fuel pour la vendangeuse ? Une conviction de meilleure qualité du vin traité par des mains expertes ? Quoi qu'il en soit, une telle pratique, si elle se généralisait, augmenterait le coût le production et donc le prix de vente des vins. Les consommateurs soit réduiraient (bon pour leur foie) leurs achats, soit réduiraient d'autres dépenses. En tous cas, les adaptations, certes nécessaires voire indispensables, ne nous laisseront pas indemnes.

Enfin, ne peut-on craindre que la radicalité des propositions et propos de Mme ROUSSEAU et de ses collègues écolos ne soient contreproductives. La remise en question qu'ils prônent est-elle acceptable pour de larges parties de la population européenne ? Le résultat de leurs coups de pieds dans la fourmilière sera peut être de voir les fourmis attaquer et détruire ces empêcheurs de danser en rond. Après la Hongrie, la Pologne, voici la Suède (emblématique démocratie avancée de notre jeunesse) également rattrapée par une volonté d'en revenir aux traditions sachant que dans d'autres pays des partisans énergétiquement conservateurs ne sont pas loin du pouvoir. Déjà, sous des appellations diverses, ils reprennent du poil de la bête. C'est à se demander si des ouvertures sociétales (contraception, euthanasie, mariage pour tous, ...), qui en Belgique n'ont guère fait débat hier, seraient encore votées aujourd'hui.

SOURCE AFP - 15 sept. 2022, LE POINT 15/09/22

La députée EELV Sandrine Rousseau a une nouvelle fois croisé le fer jeudi avec le communiste Fabien Roussel, estimant que la "valeur travail" qu'il a défendue vendredi dernier est "quand même une valeur de droite".

"Partage du temps de travail, diminution du temps de travail, semaine de 4 jours, ça j'aurais suivi mais mettre le travail comme unique valeur de la gauche, ça n'est pas possible et particulièrement pour un communiste", a critiqué sur Franceinfo, l'écoféministe.

"Je rappelle quand même que Marx dénonçait l'exploitation des salariés et le fait que les chefs d'entreprise faisaient des plus-values sur le travail", a-t-elle ajouté.

"On a un droit à la paresse, on a un droit à la transition des métiers, on a le droit aussi de faire des pauses dans sa vie, et surtout, il nous faut retrouver du temps, le sens du partage et la semaine de 4 jours", a plaidé Mme Rousseau.

"Là on n'est pas du tout là dedans, la valeur travail, pardon, c'est quand même une valeur de droite", a-t-elle asséné.

Selon elle, "la société écologique, c'est une société de ralentissement, c'est une société où on prend du temps, c'est une société où on a le droit de changer d'avis, où on ne s'enferme pas toute la vie dans des carrières qui abîment le corps et qui fait qu'on arrive à 60 ans en étant déjà malade".

"Ce n'est pas une société où on accélère, où on travaille plus pour gagner plus, pour se payer encore quelque chose de plus à acheter, non on ralentit, on se pose, on prend le temps du lien, on prend le temps du soin et on prend le temps en fait d'être heureux aussi dans cette vie", a-t-elle plaidé.

Le patron et ancien candidat à la présidentielle du PCF, Fabien Roussel, avait déclaré vendredi à la fête de l'Humanité que "la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minimas sociaux", déclenchant une pluie de critiques au sein de la Nupes.

"Je ne regrette surtout pas d'avoir ouvert ce débat", a assuré jeudi le secrétaire national, depuis Moulins où s'ouvrent les journées parlementaires du PCF.

"Il faut qu'on pousse le débat jusqu'au bout. J'ose croire que nous sommes tous d'accord pour construire une société du travail et d'un travail qui nous épanouit", a-t-il expliqué à l'AFP.

(*) Constatons naïvement que notamment les libéraux partagent en partie l'a priori pro travail du communiste Roussel.

(**) La Dares, la Direction française de l'animation de la recherche des études et des statistiques, a enregistré 400 000 démissions au troisième trimestre 2021. Un record à mettre en parallèle avec une explosion des ruptures anticipées. Si l'hôtellerie et la restauration sont les plus touchés, tous les secteurs sont concernés.

(***) La baisse du pouvoir d'achat due notamment à la hausse de prix est un moyen efficace de réduire notre consommation mais avec des conséquences sociales qui peuvent se révéler dramatiques pour ceux dont les revenus sont déjà limites voire insuffisants. Si d'aucuns sont conduits à se priver de vacances voire de toilettes couteuses ou du modèle dernier cri de smartphones, d'autres devraient se serrer la ceinture y compris pour leurs consommations de base (nourriture, éducation, soins de santé,...). Cela posé, il faut reconnaitre que durant les dernières décennies, les grandes évolutions de consommation, par exemple les économies d'énergie, ont été impulsées non par des campagnes de conscientisation (infantilisation) mais par des hausses de prix de l'énergie. Ce fut vrai après les premiers chocs pétroliers du milieu des années 1970, cela semble encore se vérifier aujourd'hui.

(****) Un peu comme l'Humanité dont le développement démographique a été exponentiel

© 2021 Philippe REUL Tous droits réservés.
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer